GherFrance

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MA JONQUE BIEN-AIMEE " LA GRATITUDE "................Roman.

― Ma jonque bien-aimée « La Gratitude » ―

 

 

 

 

                          ― Chapitre I ―

          

 

                                                                                 Aucun chemin ne conduit nul part.

       

 

      Anatoàle se tient à la proue de la jonque à voile et à moteur, sur laquelle il a embarqué deux heures auparavant. La large étrave du bateau fend la surface de l’eau paisible avec énergie. Tuong son vieil ami depuis des années tient fermement la barre pour rester au milieu de la rivière qui descend de Saïgon. La seule sécurité, pour ne pas être victime des bancs de sable en perpétuel déplacement. Dans quelques heures, bien avant le crépuscule, ils seront dans la rade du Cap Saint Jacques pour la nuit. Ensuite au lever du jour, il leur faudra quitter amis et ce havre de paix au charme si prenant, pour rejoindre au nord la capitale Tonkinoise Hanoï.

 

      Mais ce soir, c’est fête. Dans le ravissant village de Luong-Phù, toutes les lanternes à huile et à pétrole sont allumées. Les familles préparent activement les festivités, car « Anatoàle le Bienfaiteur », est de retour. Bien qu’il soit venu « de l’autre bout de la terre », « de ce beau pays de France », comme on dit ici en Cochinchine, tous les habitants l’ont adopté non pour sa générosité de philanthrope et sa bonté, mais pour son affection et sa gentillesse, envers chacun et chacune, dans chaque paillotte, et chaque maison, on l’aime comme un membre de la famille. On sait avec une pointe de tristesse au cœur, que demain, il s’en va à nouveau. Mais c’est une raison supplémentaire pour que la fête soit exceptionnelle. Et elle l’est vraiment ! Tout au long de la soirée, chants, danses, jeux, ont lieu dans une ambiance joyeuse et chaleureuse, quasi familiale.

 

      Il rejoint le bateau au milieu de la nuit, après avoir embrassé comme il se doit, les deux cents cinquante trois villageois et villageoises, sans oublier la kyrielle d’enfants. Jusqu’à la dernière minute, ceux-ci ont employé tous les subterfuges possibles et inimaginables pour l’empêcher de partir.

 

      A l’instant où il pose le pied sur le pont attrapant la main que lui tend Tuong, rentré à bord avec l’équipage bien avant la fin de la fête, il ne sait rien des événements futurs, encore lointains, qui se préparent. Pourtant son intuition fait qu’il ressent brusquement qu’il ne reverra peut-être pas son village ami, si cher à son cœur. Néanmoins il chasse tout de suite cette pensée négative pour une positive qui lui réjouit l’esprit.

      Quelques heures plus tard le jour pointe. Il révèle peu à peu la beauté et le charme de ce petit port de pêche, où sont amarrés quelques sampans, qui se trouve enfouit sous les frondaisons luxuriantes. Tuong et ses marins s’activent joyeusement. Ils hissent la grande voile faite de bambou et de toile de riz. Puis, lentement la jonque, les amarres prestement larguées, s’écarte lentement du quai désert. Le village dort. Dans les paillottes chacun pense que le départ d’Anatoàle et de son bateau aura lieu sur le coup de midi, quand le soleil sera au zénith. Il n’en est rien de tout cela ; les habitants ensommeillés comprennent après-coup, que le lointain son de trompe qui court sur la mer et qu’ils perçoivent vaguement peu après, est en fait l’annonce que leur ami les a quittés et qu’il s’éloigne sous la poussée des vents favorables. Le chant de la corne de mer se prolonge comme un long au-revoir d’amour au village.

La côte s’estompe dans les brumes du matin et du soleil levant. A mesure que la navigation progresse, les brouillards matinaux disparaissent et révèlent les côtes qu’ils longent à quelques encablures. Peu à peu elles changent d’aspect.

 

      La journée s’écoule tranquillement. La mer est d’un calme inquiétant selon le timonier de Tuong. Ses reflets métalliques bleu foncé, sont de mauvais augure. Après une heure de discussion et d’hésitation, ce dernier se fiant à son instinct de « vieux routeur des mers », choisit la sagesse et se dirige tranquillement vers le port de Nha-Trang pour se mettre à l’abri. Bien lui en pris, car un typhon venu ― comme à l’habitude ―, de Hainan passe au large. Des flots tumultueux agitent fortement le navire, tangage et roulis s’en donnent à cœur joie, mais la grande jonque ne se laisse pas impressionner. Toutes voiles amenées, elle attend patiemment que l’ouragan s’éloigne. Trois heures plus tard, la mer est à nouveau calme. «Serait-ce une ruse de sa part ?», comme chacun s’interroge à bord. Haïphong et Hanoï sont encore bien loin. D’autant plus que cette île chinoise a le vilain défaut de générer de nombreux typhons. Comme si elle éprouvait un plaisir malin à engendrer des cyclones hebdomadaires imprévisibles. La raison de cela échappe à l’entendement. Et pourtant il y a une explication autant claire que plausible. « Mais où se trouve cet éclaircissement ? Dans la pensée de chacun ? Mais pourquoi en serait-il ainsi ? Comment pour ma part, ais-je pu être amené à provoquer cette tempête ? Et pourtant, j’y suis pour quelque chose ? Il va falloir que je comprenne !», s’interroge Anatoàle sans parvenir à expliquer ce pourquoi il se pose subitement ces questions. Cela lui paraît étrange.

      D’autant plus que la malveillance de la grande île de Haïnan est à exclure, car elle est d’une tranquillité sereine et pacifique. Et ses habitants le sont tout autant. La réputation de leur chaleureuse hospitalité va bien au-delà de la mer de Chine.

 

      Les flots apaisés font une mer peu agitée, cela permet à la grande jonque de sortir de son abri douillet, une ravissante petite anse, et la navigation reprend. Vraisemblablement le calme va demeurer durant les quelques jours à venir, avant l’apparition d’une nouvelle tempête.

     Anatoàle en bon navigateur qu’il est aussi, prend le quart, comme tout un chacun. Le fait qu’il soit propriétaire du navire ne change pas ses principes. D’autant plus, que cela permet aux marins un repos bien mérité. Il manipule la barre avec sérénité autant que dextérité, veillant à bien tenir le cap. Il regarde en souriant les hamacs se balancer au gré du roulis. Chacun dort profondément, confiant dans ce « Français de la lointaine Métropole », qui n’est vraiment pas comme les autres. Beaucoup imaginent dans leur esprit, qu’il a dû naître dans une paillotte au bord d’une rizière ou bien du Mékong. En fait, il n’y a que son visage qui le différencie d’eux-mêmes. Sa façon d’être, celle de penser, sont similaires aux leurs. Il est comme le grand frère aîné d’une famille qui s’étend de la Cochinchine au Tonkin, sans oublier le Cambodge et le Laos. « Comment se peut-il qu’il soit si différent de nous ? », s’étonnent gentiment les Européens. Et les natifs de cette merveilleuse Indochine se posent souvent la même question.

 

      Entre soi on s’interroge sur son âge, sur ses origines, sans jamais pouvoir trouver une réponse satisfaisante. Personne ne sait avec certitude s’il vient réellement de France. On croit tout savoir de lui et en fait c’est le contraire. Comme une sorte de personnage sans surprise. Sa gentillesse, son affabilité, sont proverbiales autant que respectées. Il n’apparaît à personne, comme un être mystérieux. On dit de lui « Voilà Anatoàle, l’ami de chacun de nous ». Aucun aura de mystère ne l’entoure. « C’est un Indochinois d’ailleurs », pensent certains. « Mais alors, de quel ailleurs ? » demandent les autres. « Vient-il d’une planète d’où sont venus nos ancêtres ? » Ou bien « Est-ce un ange ? » demandent les Caodaïstes souriants. « Est-il éclos ou peut-être même, a-t-il surgi de la Plaine des Joncs de cette Cochinchine à l’ineffable sourire, ou alors des monts du Bokor, de ce vénérable Cambodge ? », questionnent les habitants du sud indochinois ; « Serait-il un envoyé de Bouddha qui l’a fait naître dans la Plaine des Jarres de notre énigmatique Laos ? » sourient intrigués les Laotiens. Personne ne lui connaît le moindre ennemi, ou un adversaire combattif. Sans le dire, sans le montrer, on voit, on sent qu’il est plein de joie, de bien-être. En fait, il est rempli d’amour, pour tout, en tout et dans tout.

Ses amis d’Hanoï, comme ceux de Saigon, de Phnom Penh, de Hué, de Vientiane, ou bien même des petits villages, se font une joie de l’accueillir à chacun de ses venues.

      Tuong tient fermement son gouvernail en main et songe à tout cela. Il contemple la silhouette de son ami qui se découpe dans le soleil couchant. Une image du passé surgit de sa mémoire : il y a bien des décennies, sur un autre navire que possédait Anatoàle, et dont, il en était déjà le capitaine ; oui il se souvient de la silhouette de son ami se découpant à la proue du bateau, ayant contre lui, quasiment blotti, la main enfouie dans la crinière superbe et opulente d’un lion de grande taille.

      Il sait lui le Tonkinois frontalier, né à Cao-Bang, que ces temps de Bonheur sont provisoires. Aléatoires pourrait-on dire. Il a senti et ressenti, là-bas dans la maison familiale, chez son père et sa mère, les prémices d’une lointaine mais effroyable tempête encore peu apparente. Cependant il a aperçu à quelques pas de la frontière chinoise, comme des gestes et des regards inaccoutumés dénués de gentillesse, de frontaliers ses amis. Il lui a semblé apercevoir, à plusieurs reprises, dans la lumière diffuse du crépuscule et parfois la nuit des mouvements de troupes militaires. Comme une sorte de va-et-vient, aux bruits étouffés, considérables et inquiétants de gens inconnus empruntant la grande piste à l’ouest de la ville, conduisant à la vallée du Mékong. Par sagesse ou par pudeur, il n’en a pas parlé à son « grand frère altruiste »

― Anatoàle. Celui-ci ne sait pas,  que bien involontairement il se rapproche d’un foyer, aux braises invisibles, occultes, dont les flammes dévastatrices anéantiront, moralement et physiquement, ce pays et beaucoup de ces gens gracieux et attachants qui s’y trouvent depuis de nombreux siècles.

Est-ce que parmi tous ces êtres qu’il aime, il en est un ou une qui va aborder le sujet ? D’aucun se cloitre dans un mutisme prémonitoire. La peur du lendemain prend insidieusement naissance dans les esprits. Peu à peu, elle prend forme dans chaque Tonkinois frontalier, surpris par ces événements étranges. Pas un seul n’a pourtant la sensation qu’ils sont dangereux. Et pourtant…

 

      La tourmente n’est pas encore là. Mystérieusement, elle se cache, peut-être pour mieux bondir tel un tigre furieux. Les pensées négatives de nombreux êtres humains de ce merveilleux pays, vont-elles s’agglutiner pour former un torrent ou même un fleuve aux proportions gigantesques ?

      Néanmoins, les signes avant-coureurs se manifestent sporadiquement. Anatoàle ne voit pas et ne se doute de rien, tout à sa passion d’aider les autres.

      Après un périple sans histoire le long des côtes Indochinoises, loin de tout typhon dévastateur venu de la mer de Chine, par le delta du Fleuve Rouge ils remontent jusqu’au port de Hanoï. Ils y parviennent avant le coucher du soleil. Tuong et ses marins achèvent d’amarrer la grande jonque de mer, au quai quasiment désert. Ce soleil par trop radieux, cacherait-il des intentions peu bienveillantes d’un typhon puissant ? Aussi faut-il tout prévoir à bord, dans le moindre détail pour se préserver de la tempête. Les amis d’Anatoàle sont à terre devant le bâtiment des Affaires Maritimes. Ils attendent patiemment qu’on leur descende la passerelle pour pouvoir monter à bord et fêter avec force d’embrassades, leur ami venu du sud du pays par la mer.

      Anatoàle les deux mains posées sur la rambarde, regarde ses amis et se réjouit de ce moment des joyeuses retrouvailles. L’équipage s’agite fébrilement avant l’arrivée subite de la tornade d’eau quotidienne, dont la puissance n’a d’égale que sa brièveté. Dès les premières gouttes les marins ont eu le temps de jeter la passerelle. Très vite tout ce petit monde joyeux se précipite gaiement vers la salle des cartes, se mettant à l’abri des trombes d’eau, qui se déversent rageusement, pourrait-on dire, sur la ville et le port.

   Il est submergé par les témoignages de sentiment d’affection ; c’est à qui, Tonkinois, Chinois, Cochinchinois, Cambodgiens, Annamites, Sénégalais, Allemands, Anglais, Italiens ― et que sais-je encore ! ― tient à lui exprimer son affectueuse amitié.

    Ses amis et amies le fêtent joyeusement. La grande table des cartes se couvre rapidement de paquets cadeaux. La bourrasque a cessée. Il est donc possible de sortir sur le pont. Une nouvelle surprise attend le navigateur dès qu’il pose le pied sur le gaillard d’avant ; les huit marins ont, en son honneur, revêtus leur costume traditionnel en soie blanche avec le chapeau pointu couvert d’une soie rouge et blanche. Tout un chacun sachant que ce sont les couleurs préférées d’Anatoàle.

      Les invitations à diner fusent de toutes parts. Quel dilemme ! Comment satisfaire chacun et n’en décevoir aucun ?

Il y a sur le « Petit lac » de la ravissante cité tonkinoise, pas très loin d’un beau temple bouddhique, un restaurant sur pilotis, dont les terrasses élégantes surplombent les eaux. La solution est là : inviter tous ses amis présents venus fêter son arrivée ; les mets y sont raffinés ; la réputation de la finesse et de la saveur va bien au-delà des frontières de la province.

      Anatoàle grimpe prestement l’échelle menant à l’avant pont et dans le brouhaha des conversations, il s’efforce de se faire entendre.

 

      ― Mes amis, mes amis ! clame-t-il d’une voix forte, sachez tout d’abord que je vous aime, que votre accueil me comble de joie et de bonheur ! A chacun et chacune, je tiens à lui exprimer toute ma gratitude : merci, merci, merci. Quel meilleur moyen de rester unis dans notre amitié en nous réunissant en un joyeux et chaleureux repas ? Je vous invite tous et toutes, y compris mon ami Tuong et notre équipage, à nous restaurer chez Kam Diem. Les terrasses au-dessus des eaux sont un joyau d’architecture de ce beau pays. Le « Restaurant de la grande Pagode » sera enchanté de votre présence. Kam est un restaurateur talentueux et aussi un ami de longue date. Je viens de le faire prévenir et lui ai demandé de nous servir des mets somptueux. Il nous attend dans deux heures. Pour que les parents soient libres de leur soirée, j’ai prévu plusieurs tables pour les enfants et une armada de nounous, pour les plus petits.

Le corps de ballet des danseuses de la cité impériale de Hué de passage à Hanoï, viendra vous donner un spectacle (de la page 8 à ici tapé mais pas rectifié) (page 14 main) Puis ce sera la troupe de mon ami Bouna Ba, venue spécialement de Saint Louis du Sénégal. Après nous aurons l’insigne et fastueux honneur de recevoir mon ami Serge Lifar et son ballet de l’Opéra de Paris ; il doit se rendre à Pékin ensuite. Nous aurons alors le merveilleux spectacle qu’est le Lac des Cygnes.

 

      Une armada de pousses-pousses vous attend à l’extrémité du quai. Si vos cœurs affectueux acceptent mon invitation et le peuvent, nous nous retrouverons là-bas dans deux heures environ. Je vous accueillerai moi-même, sur le seuil du restaurant, en compagnie de mon ami Kam, avec une joie immense ! Chers amis et chères amies, je vous aime ! Merci, merci, merci. Je vous assure de toute ma gratitude et de mon amour de la vie.

      Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Le dîner et la soirée sont somptueux. La joie, le Bonheur, irradient le cœur et l’esprit de chaque convive. Tous rayonnent. Anatoàle est aux anges. Une nouvelle fois, il constate qu’à l’inverse des esprits chagrins de la planète, l’abondance avec un grand « A », existe pour chacun et chacune ; donc pour tous. De la galerie où il se trouve, il contemple avec ravissement toutes les personnes présentes et leurs visages rayonnants. Aucun a priori de classe sociale ou de caste ne sépare les convives les uns des autres. Il songe à ceux de la planète qui s’efforcent de perpétuer des idées fausses de précarité, de pénurie, de pauvreté, et certains même de « lutte des classes », dans le seul souci de satisfaire un égoïsme personnel insensé, ou bien par cupidité politique.

      Il aperçoit les marins de son équipage dans leurs belles tenues blanches, joyeusement mêlés aux autres invités ; plus loin sous une rotonde fleurie de jasmins, des bonzes, des prêtres, des pasteurs, des rabbins et des imans, discutent gaiement, loin de toute gravité religieuse. Anatoàle est heureux de constater une nouvelle fois que la réalité de « la loi de l’attraction », n’est pas un vain mot, ni une imagination de l’esprit. Il ressent en lui des ondes de Bonheur.

       A minuit, afin de laisser chaque personne libre de ses choix, il monte sur l’estrade de l’orchestre, afin de saluer tous ses amis et leur souhaiter « Joie, richesse, abondance, Bonheur et prospérité » Brièvement, il leur indique que le lendemain et durant les semaines à venir, il s’occupera activement avec Tuong et ses marins, de construire des hameaux ou bien même des villages dans la zone frontalière entre Langson et Cao-Bang ;  ensuite ce sera dans la région de Nam-Dinh et Thaï-Binh. Ces réalisations faites, ils redescendront par la mer jusqu’en Cochinchine pour y réaliser ― pour la seconde fois ―, de nouvelles habitations pour les paysans. Quand ce sera achevé, ils entreprendront un programme identique dans deux ou trois provinces du Cambodge. Puis ce sera le Laos.

      Il descend de l’estrade et va à la rencontre de chaque personne présente, pour les remercier d’être venues et leur témoigner avec émotion son amitié et sa fidèle affection, « quoiqu’il puisse arriver, leur dit-il. Et d’ajouter « N’oubliez jamais, je suis votre ami, et où que vous soyez je serai toujours à votre écoute, si vous avez besoin de moi »

 

      La construction de paillottes et de maisons « en dur », selon le goût et le souhait de chaque famille, future habitante des lieux dure plusieurs mois, tant au nord qu’au sud de la province Tonkinoise. Après l’achèvement du dernier groupe de cinquante maisons à-côté de Nam Dinh, il prévient ses amis d’Hanoï qu’il repart par la mer vers le sud. Quelques jours plus tard, par un bel après-midi radieux, les amarres sont larguées.  Le beau navire tout en bois s’écarte lentement du quai, sous les hourrahs amicaux d’une foule, dont l’importance stupéfie Anatoàle. Rapidement, la jonque baptisée « La Gratitude » lors de sa mise à l’eau, gagne la haute mer. Notre ami, s’empresse de rassurer le capitaine de ce que l’on pourrait appeler une « goélette chinoise »

 

    ― Ne crains rien Tuong. Aucun typhon ne sera sur nous avant que nous abordions au Cap Saint Jacques. Je te l’assure formellement ! Tu peux tranquilliser notre équipage. C’est une certitude !

Effectivement, au fil des jours, que ce soit en navigation diurne ou bien nocturne, sous les vents favorables et une mer sans forte houle, le navire tient bien son cap ; il avance hardiment vers le port où il doit relâcher.

Une nouvelle nuit commence. L’un des marins est à la barre. Les deux amis détendus, sont assis sur l’un des bancs de l’entrepont. La côte Tonkinoise bleuissant s’estompe lentement, sous un ciel brillamment étoilé.

      ― Mon ami, de longue date, j’aimerais te poser une question, dit Tuong, en se tournant vers Anatoàle, tout en dégustant son bol de soupe chinoise.

      ― Je t’écoute.

      ― Eh bien voilà ; Comment sais-tu que la mer et le vent vont rester calmes ?

    ― La courte réponse que je vais te faire ne t’expliquera pas clairement ce dont j’affirme. Je sais que notre navigation sera sans histoire, sans heurt, du fait de « la loi de l’attraction », oui, oui, je comprends ta surprise à ton regard étonné. Cette réponse brève ne peut guère te satisfaire. Je le conçois aisément.  Tu es un marin érudit. En attendant que je sois plus explicite, sache néanmoins que cette loi dont je te parle, est semblable à celle de la gravitation. Elle non plus n’est pas visible, mais elle existe depuis l’origine des cosmos, existe et existera toujours. Je te promets, où que nous soyons de te donner tous les éclaircissements souhaités. Le fait que tu sois bouddhiste, ne s’oppose nullement à mon savoir à ce sujet et les explications que je te donnerai. N’aie crainte mon bon ami, comme dit un vieux proverbe des temps anciens « Tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes » Sois certain d’une chose : je ne suis pas un magicien, ni quoi que ce soit de similaire. Il est, pour le présent, un fait incontestable et tu en auras la preuve dans les jours à venir : nous arriverons au Cap Saint Jacques, sans le moindre petit grain qui soit. Je sais bien que tu as soif de comprendre et je suis là justement pour cela. Mes explications modifieront ta vie dans le bon sens. Mais je dois commencer par le début. Pour cela il faut que je réfléchisse de quelle façon je vais le faire. C’est de ton bonheur qu’il s’agit et de ta vie. Je te raconterai tout ce que je sais. Mais ce sera toi, qui feras le choix : croire ou ne pas croire à mes explications. Quel que soit ton choix, sache enfin, que mon amitié et l’estime que je te porte, ne seront pas mises en cause.

      Notre « Caï » est réellement un excellent cuisinier, car ce riz cantonnais est délicieux. Je vais en reprendre encore une fois, l’air de la mer ouvre grandement l’appétit.

 

      Quand nous serons parvenus à destination, j’irai jusqu’à Bien-Hoà, vérifier que tout ce qu’il nous faut pour la construction de nos maisons et paillottes est bien arrivé. Avant que tu me rejoignes avec les marins, à mon avis, il faudrait mettre la jonque au carénage. C’est à toi de décider, car tu en es la capitaine. Il importe peu que j’en sois le propriétaire. Tu es un marin de grande expérience. Je n’ai pas à te dire ce que tu dois faire, car tu le sais mieux que moi. N’oublie pas cependant que la construction des cinq villages terminée, nous partirons par mer pour le Cambodge, et que là-bas ils n’ont plus de bassin de carénage. Le dernier typhon a fait énormément de dégâts. Et aussi, après l’achèvement des travaux nous repartirons avec la jonque. Je ne sais pas encore si ce sera vers le levant ou bien le couchant. Mais il est possible que ce soit en direction du Laos par le fleuve, celui que l’on nomme « le fleuve des neuf dragons ». D’où la raison d’avoir fait aménager une quille mobile rétractable. Le somptueux Mékong est une voie d’eau à surprises. Au moment opportun, je sais aujourd’hui que je saurai à ce moment-là le choix à faire. Bien sûr, comme il me l’a demandé aux festivités du Cap Saint Jacques, l’équipage nous accompagnera là où nous irons. Toi et moi, nous étudierons ensemble et avec les marins, après la fête du Têt, et avant de quitter Kâmpôt si huit marins et le Caï suffiront pour toutes les tâches que nous avons à accomplir. Il faudra que nous tenions compte d’un détail de grande importance. Est-ce que certains de nos braves, courageux et compétents matelots constructeurs, souhaiteraient ne pas trop s’éloigner de leurs familles et de leur pays d’Indochine. Chacun est maître de sa propre destinée. On peut dire créateur de sa vie. N’oublie pas Tuong, que notre périple va durer plusieurs années et que notre équipe doit rester soudée solidement. Pour un bon équilibre de nos travaux, je pense que quatre marins supplémentaires seront pour ainsi dire nécessaires. Avec le Caï, toi et moi, nous serons une quinzaine à bord. Cela ne posera aucun problème de place, vu la taille de la jonque.  Si c’est le choix, nous constituerons trois équipes de quatre hommes. Ce sera un bon équilibre, car une équipe sur trois pourra prendre du repos pendant que les deux autres seront à l’œuvre. Il ne s’agit pas de travailler comme des forcenés, mais d’avoir une vie heureuse et parfaitement équilibrée. Avec notre vaisseau en bois, d’une solidité incomparable nous pouvons aller sur toutes les mers et océans. Mais lui aussi mérite notre respect et tous nos soins. Nous ne sommes pas des aventuriers en quête d’émotions fortes, mais des êtres qui grâce à ma fortune, ont deux objectifs : faire le bien et aider les autres.

    Après le Cambodge, quelle que soit la direction que nous prendrons, j’en profiterai pour vous expliquer et commenter progressivement et plus longuement, ce qu’est la loi de l’attraction et ses conséquences sur notre vie individuelle. Au cours de cette traversée, nous parlerons de cette question, puisque toi et les marins, voulez en savoir davantage. Vous irez de découverte en découverte, et je sais que cela vous comblera de joie et de Bonheur ; et vous conduira vers la pleine réussite de votre vie. Qu’est-il de plus important ?

      Demain avant la nuit nous serons à bon port. D’Hanoï, j’ai fait prévenir de notre arrivée, la population du village où nous allons ; une petite réception sera faite en notre honneur, chez ton frère Dhi-Han, dans sa plantation d’hévéas à Phu-Loï. Une dernière chose mon bon ami : Nous sommes de race différente. Toi un asiatique et moi un occidental. Malgré cela, je te considère comme un membre de ma famille, d’autant plus que nous sommes constitués tous les deux d’énergie et de matière identique. Notre apparence physique n’est que le haut de l’iceberg. Pour ma part, mon cœur, mon esprit et mon corps sont remplis d’amour en tout et pour tout. Être heureux, faire le bien et aider les autres sont mon idéal. Cela me comble de joie et de bonheur. C’est pour cela que je suis venu d’abord en Indochine, pour aider et secourir, ceux qui en ont besoin. Songe aux paroles de Bouddha « Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées » Ce que je vous expliquerai ira dans ce sens. Je peux dire : de nature identique.

      Nous naviguons sur ce bateau depuis quelque temps. Pour chacun de nous ce qui importe c’est le présent et l’avenir. Ce que nous sommes maintenant, nous l’avons pensé, donc créé, durant notre passé. Celui-ci a disparu et fait partie de nos souvenirs. Néanmoins, si nous l’avons mal pensé, il n’est pas trop tard pour tout changer dès aujourd’hui. Il suffit de penser autrement. Ce que l’on nous a appris durant notre enfance, notre jeunesse, qui que ce soit d’entre nous, n’est pas primordial. Par contre ce que nous savons par nous-mêmes, notre propre expérience, ce que nous apprenons actuellement, en cet instant et durant chaque jour qui se fait, nous acquérons le savoir et la Connaissance. Tout cela est par contre fondamental, pour notre existence présente et à venir. Tout acte, toute pensée présente construisent notre avenir. Nous sommes Tuong, chacun de nous, maître de nos pensées et de nos sentiments ; c’est-à-dire le créateur de notre propre vie. En tout lieu et en toute circonstance, qui que nous soyons, nous avons la responsabilité de nous-mêmes. Et seulement de nous-mêmes. Il en est ainsi, de tous les peuples, de tous les êtres humains qui peuplent la terre. Chacun fait sa vie selon ce qu’il pense et ce qu’il ressent. Les mondes sont nés de la pensée. Il n’y a aucune limite à ce que l’on veut, souhaite et désire. Les possibilités sont infinies. Qui que l’on soit, où que l’on soit et quelque soit son âge. C’est-à-dire celui indiqué sur notre acte de naissance. Nous reparlerons de cet aspect de la question. Les pensées et les sentiments construisent la vie en positif ou alors en négatif. Tout dépend de ce que l’on pense, de nos émotions, et ce sur quoi l’on se concentre. Je sais, ça bouscule un peu la façon dont tu vois les choses de la vie. Je t’expliquerai. Mon but n’est pas de te convaincre. Tu as le libre choix. Mais tu es mon ami, mon cher ami et je souhaite que tu fasses ce qui est bon pour toi. Un fait est certain : on est, on pense, on ressent. Cela concerne chaque être humain de la planète, qu’il en soit conscient ou non. Avant que tu ailles te reposer, puisque je prends le premier quart, permets-moi de te citer un passage de mon livre « Le Secret » je le lis et le relis chaque jour avec bonheur. Voici : « Votre vie se trouve entre vos mains. Peu importe le lieu où vous vous trouvez maintenant, peu importe ce qui se passe dans votre vie, vous pouvez commencer à choisir consciemment vos pensées. Les situations désespérées n’existent pas. N’importe quel aspect de notre vie peut changer ! » Et je me dois d’ajouter ceci : il n’y a aucune limite à ce que l’on veut, ce que l’on désire et ce que l’on souhaite, tout est possible. Fais-moi confiance Tuong Ma, je ne te conduirais pas sur un chemin spirituel hasardeux. Mon seul souci est de t’aider et t’éclairer. Tes pensées et tes sentiments construisent ta vie en positif ou bien en négatif, cela dépend de toi et uniquement de toi. C’est la même chose pour toute autre personne. Mais encore faut-il en avoir conscience et y croire. Il y a ceux qui en sont conscients et d’autres le contraire. Acquérir ces connaissances est à la portée de n’importe quelle personne, quelque soit son degré d’instruction. Ce point est très important ! Il faut t’en souvenir ! Va mon ami, prendre le repos bien mérité dont tu as besoin. J’assure le quart. Minh-Quang prendra le suivant. C’est un excellent timonier et un parfait barreur.

 

      Tuong a rejoint sa cabine, pour se reposer quelques heures. Anatoàle tout en maintenant le cap, pense et médite. Il se remémore les moments merveilleux de son existence passée. Alors par la force de la loi de l’attraction, d’autres belles et heureuses pensées affluent. Les images dans son esprit se succèdent. Il croyait certaines complètement oubliées, effacées de sa mémoire. Hé non ! Elles sont bien là, joyeuses et enrichissantes, dans toute leur beauté pour son présent et son avenir. Elles le comblent de bien-être, il en ressent une agréable et profonde émotion. Le ciel nocturne merveilleusement constellé d’étoiles est un chef-d’œuvre de la nature. « Le Bienfaiteur », tout autant épris de la mer que de la terre, se sent bien, pleinement heureux. Il irradie de joie et de bonheur. Alors la loi de l’attraction et l’Univers mettent en œuvre, les gens, les circonstances et les événements nécessaires, afin que pour Anatoàle, ce ne soit que du bonheur, de l’abondance en toute chose, de la prospérité et de la joie. A tribord, dans l’obscurité et les mystères de la nuit, la côte se confond avec la mer. A bâbord, c’est l’immensité lumineuse, l’infini de l’océan. Un instant, il se demande ce qu’il peut en être des profondeurs incommensurables de la mer ?  Il est là, seul, silencieux, tenant avec douceur la roue de son gouvernail. Il aime manœuvrer avec gentillesse son bateau, car il l’aime. Il est heureux et épanoui. « De fil en aiguille » dit le proverbe, il en vient à penser à de belles idées, douces comme de la soie, qui l’enchantent et le font sourire de bien-être. « J’ai la chance inouïe, se dit-il dans un murmure, de savoir quel est le sens de la vie pour chacun de nous les êtres humains. J’en suis profondément reconnaissant à mes pairs et aussi à Albert Einstein. Ce que je sais est d’une telle importance, que je ne peux pas, et ne voudrais pas, le garder égoïstement ce Secret ; impossible d’en faire mon seul profit. Sa redécouverte, sa connaissance et le savoir que j’en ai tiré, font que je suis maintenant l’être que j’ai toujours rêvé de devenir. L’attente que j’ai vécue m’a été infiniment profitable. Et selon ce que disais Thomas Edison après mille tentatives pour son ampoule : « Je n’ai pas échoué une seule fois » Oui, je possède maintenant la clef qui fait de moi un homme heureux, comblé ; celui qui se sent bien, serein ; je suis rempli d’amour, en tout et pour tout ; c’est merveilleux ; et je veux partager ce bonheur resplendissant avec le plus grand nombre possible de personnes ! Je sens en moi, l’absolue nécessité de la faire. Je vis à bord de ce merveilleux bateau, que j’aime tant, c’est ma joie ! J’ai choisi avec bonheur Tuong-Ma pour capitaine qui, peu à peu, est devenu un ami incomparable ; les marins sont semblables à mes propres enfants ; tout cela est une grande joie pour moi.  Il est très important pour leur avenir que je leur parle clairement du Secret. Il faut que chacun d’eux sache ce qu’il en est et le comprenne. Peu importe leur instruction et leur passé, je dois leur expliquer ce qu’est la loi de l’attraction. Quoiqu’ils fassent en bien ou en mal, ils sont chacun, « Créateur de leur propre vie » j’ai reçu la lumière, je dois la transmettre, afin qu’ils choisissent d’être pleinement heureux ou bien le contraire. Sachant ce qu’il en est, ils auront le choix : passer à-côté du bonheur en tout et vivre la vie qu’ils méritent vraiment. Je dois le faire envers tous ceux qui me prêteront une oreille attentive »

      ― Oui ami Tuong, peu importe ta vie passée. Remémore-toi seulement les moments heureux, ça impulsera le bonheur et la réussite vers toi. Si tu y crois vraiment, rien ne te sera refusé. Tu vivras dans l’abondance, l’allégresse, le contentement. Entretien la joie dans ton cœur et dans ton esprit, à chaque instant de ta vie. C’est fondamental. Tout se fait à l’intérieur de toi. Tu es le propre créateur de ta vie, comme je le suis de la mienne. Rien ne peut changer cela. A chaque fraction de seconde tu penses. Tes pensées peuvent être aussi bien positives que négatives. Les premières, disons d’une façon imagée te font avancer et te construisent. Par contre les secondes te font reculer et te détruisent progressivement. Il en est de chacun la même chose. Tout ce qui nuit à ton bien-être, à ta joie, à ton bonheur, est négatif. Et inversement est positif, ce qui t’est agréable, te plaît, t’encourage, te prospère ; tout ce qui te rend heureux, t’apporte la joie et le bonheur. L’intérêt que l’on a de soi est aussi celui des autres. Si tu irradies, si tu rayonnes d’allégresse, tu envoies tout ça volontairement ou non vers les autres. Alors instinctivement ils se sentent attirés par toi. Oui Tuong, même en extrapolant on revient à la loi de l’attraction et du pouvoir infini de l’Univers. J’ai eu la chance, il y a quelques années que l’on m’explique tout cela. J’en avais bien saisi l’essence même. Puis les circonstances de la vie ont fait que tout sommeillait dans mon subconscient. Et un jour, il y a peu de temps, deux années je crois, on m’a offert un livre « Le Secret » Et alors j’ai eu la révélation de ce que mon ami bonze m’avait dévoilé et instruit. Grâce à cet ensemble de circonstances merveilleuses, j’ai eu droit à cette chance miraculeuse. Il est donc normal qu’à mon tour je veuille partager et communiquer tout mon savoir.

      La richesse, la prospérité, l’abondance, le bonheur et la gratitude sont venues vers moi. C’est ainsi que j’ai pu acheter cette jonque. J’ignorais pourquoi je le faisais, mais je savais que je devais le faire. Mon intuition m’a montré le chemin et la présence intérieure qui m’habite s’est révélée à moi. Sans en avoir forcément pleinement conscience, ces impulsions qui me faisaient avancer étaient l’action conjuguée de la loi de l’attraction et de la puissance de l’Univers. J’avais et j’ai une foi inébranlable envers eux et une confiance absolue. J’ai compris que mes pensées vibraient dans l’Univers. J’en ai saisi tout le sens pendant notre navigation et c’est ainsi que j’ai compris que je devais t’en parler. Et m’expliquer à toutes les personnes prêtes à me prêter attention. Mon but n’est pas de convaincre. Chacun est libre de ses choix. J’explique seulement, ce que je crois, ce que je ressens. De quelle façon par la force pure de mes pensées je suis devenu riche ; pourquoi je suis pleinement heureux de cela, ce qui me permet de faire le bien et d’aider les autres. Si je ne possédais rien, comment pourrais-je assister autrui ? Car il y a une certitude, que l’on pourrait dire mathématique, celle que plus tu possèdes plus tu peux aider les autres. Si tu possèdes beaucoup et que tu ne fais rien pour tout un chacun, tu perdras tout.

     Quand nous naissons, puis pendant notre croissance d’enfant, on nous apprend des choses qui ne sont pas forcément la vérité vraie. Que ce soit à l’école, ou au sein du cercle familial, on cherche à nous transmettre des idées qui remontent dans leurs principes de base et fondamentaux à ceux de nos aînés, pour ne pas dire de nos ancêtres. Or ce que l’on nous apprend n’est pas forcément exact. Je ne veux pas dire qu’on cherche à nous tromper, que c’est de la duplicité, volontaire, déterminée. C’est tout simplement une erreur commune à toutes les générations, depuis des siècles et des siècles.  Tout est conçu selon des règles préétablies, depuis des centaines d’années, par les humains eux-mêmes. L’important Tuong n’est pas de chercher à savoir le « Pourquoi ? », ni le « Comment ? » A poser ces deux questions et chercher les réponses, ne modifierait rien à ce que tu es. La connaissance est ailleurs ; c’est-à-dire, dans le présent et dans le futur à l’intérieur de toi.

     C’est mon ami Chang, dont je t’ai déjà parlé, le bonze très âgé de la Pagode des Lettrés sur le grand Lac à Hanoï. Il y a plusieurs décennies, il m’a entrouvert cette porte qui ouvre sur un champ immensément étendu, en fait illimité, qui est celui du Savoir et de la Connaissance.

 

      ― Mon cher Anatoàle, me disait-il, on ne peut avoir été, être et devenir. Je sais mon cher enfant que cette phrase te semble énigmatique, sinon hermétique. Ou pour le moins mystérieuse à toi venu de l’Occident.  Pour bien la comprendre, il faut d’abord s’efforcer d’acquérir la Connaissance et le Savoir qui sont à la portée de chacun d’entre nous. Il n’est nul besoin d’avoir « fait de Grandes Écoles » Néanmoins ce n’est pas à moi de te l’expliquer. Les temps ne sont pas encore venus pour toi, pour que cela soit. T’impatienter de connaitre n’y changerait rien. Et risquerait peut-être, je dis bien « peut-être » de mettre de la confusion dans tes pensées. Je ne peux pas te démontrer ce que je viens de te dire, car je n’en ai ni le droit, ni le pouvoir. J’aimerais le faire, ne serait-ce que pour l’affection que je te porte, on pourrait presque dire paternelle. Dans quelques temps, je vais prendre le chemin de mon maître et père spirituel Bouddha. Ce n’est pas le tien et ça ne le sera jamais. Tu comprendras tout cela sur le chemin de ta vie ; viendra le moment où tu auras la Connaissance et le Savoir. Sans que cela soit apparent, à l’extérieur comme à l’intérieur de toi, tu es exceptionnel. Mais il va falloir parcourir une longue route, parfois difficile et même éprouvante, avant que tu puisses dire toi-même « je suis exceptionnel, je suis merveilleux, je suis magnifique, je suis magique ! » Et ce, avec la plus grande modestie qui soit, et surtout avec l’amour de toi-même, par toi-même, sans arrogance, ni forfanterie. Pas davantage d’orgueil ou de suffisance. Une simple constatation comme le fait d’enfiler un vêtement. Je ne peux pas t’expliquer davantage comment toi et moi nous nous connaissons depuis très longtemps. Bien au-delà de ces deux années, où j’ai vu ta silhouette se découper dans le soleil levant, à l’entrée de la pagode. Je savais depuis des décennies que tu devais venir jusqu’à moi, car une loi indestructible t’a conduit jusqu’ici, où jamais un occidental n’a pénétré. Tu es le premier. Ce temple bouddhique vieux d’un millénaire, n’intéresse personne. Mais toi par contre, tu as su trouver une barque et un pêcheur pour te conduire jusqu’à moi. A chaque fois que tu venais de la ville, une fois assis sur le bord de la rive tu regardais la pagode. Elle t’attirait « comme un aimant », m’as-tu dit en souriant, un peu hésitant d’être en face de moi. Je t’apercevais au bord du rivage et, j’attendais serein et heureux en moi, ta venue.

      Je me souviens tu es descendu de la barque, assez surpris de l’avoir fait. La question bouddhisme n’animait, ni ne préoccupait ton esprit. Tu ne venais pas pour cela. Comme je sais que tu crois aux mondes invisibles, notre rencontre a été simple, naturelle.  Puis, au fur et à mesure de chacune de tes venues des liens affectifs et spirituels se sont créés et progressivement renforcés. Tu es reparti en France plusieurs fois, pour parfois des périodes relativement longues. Mais tu es toujours revenu, car les choses devaient en être ainsi pour une durée indéterminée. Cette fois, selon le cours de ton absence, il est possible, que si elle est de longue durée, je sois parti « ailleurs », lors de ta prochaine venue. Ce que je t’ai dit et encore à te dire, sera consigné dans un livre, avec mon écriture, tu ne peux pas te tromper. La langue utilisée est et sera celle que tu parles et écris, c’est-à-dire le Français. Ce n’est point ton langage de naissance. Mais celui-là, malheureusement pour toi a été effacé à tort de ton esprit. J’ai déjà commencé la rédaction de cet ouvrage pour te permettre de mieux réfléchir et méditer quand tu seras en sa possession. Mais ne t’y méprends pas, tu l’auras pour t’éclairer sur le beau chemin, que tu as commencé à prendre. Cela te sera une lumière très utile, mais seulement ça. Car l’immense pouvoir que tu possèdes, comme il en est de chacun de nous sur la terre, est en toi ! Toute sa puissance est à l’intérieur de ton être. Rien qu’en toi, mon enfant ! Des êtres bienfaisants, bénéfiques, viendront sur ton chemin, attirés par la joie qui irradiera de toi. Ils seront là, témoins de ton bonheur et de ta réussite. Et ce que tu as en toi rejaillira sur eux. Tous et toutes mériteront tes louanges et tes bénédictions. Néanmoins, il te faudra savoir les reconnaître, les distinguer de ceux et celles qui ne t’apporteront rien. Et même parfais le contraire. Tu es né exceptionnel et tu dois en avoir la conviction en toute modestie. Cela n’est pas en opposition. La suffisance n’est pas dans ta nature, donc je n’ai aucune crainte de ça pour toi. Actuellement, je sais que tu es très critique à ton égard, car tu imagines que pour ne pas être orgueilleux, il faut au contraire avoir de la modestie, de l’humilité dans ton esprit et tes pensées. Tu tiens un raisonnement inapproprié. Réalise : si tu es empreint de modestie, d’humilité, matériellement aussi bien que spirituellement, tu es intentionnellement dénué de tout. Or, si tu es misérable, tu ne peux rien donner, ni rien apporter aux autres. Ce n’est pas ton chemin de vie d’être indigent. Il faut que tu possèdes beaucoup pour donner beaucoup. Plus tu possèderas, plus tu pourras donner, et plus tu recevras. C’est le principe des vases communicants. Ça c’est ton chemin de vie. Je me répète pour bien te faire comprendre, de ne pas prendre la mauvaise route. Tout cela existe dans le visible et dans l’invisible. Je vois à ton air étonné que tu te poses de nombreuses questions. Durant ton parcours existentiel, tu découvriras les réponses à tes interrogations. Mon livre les complètera ou les confirmera selon le cas. 

      Il est fort possible qu’entre le moment j’en suis en haut de la page 42 où tu vas prendre conscience de la réalité de ce que je te disais et dis aujourd’hui, il s’écoule de très nombreuses années. Tu sais mon enfant, car nous en avons déjà parlé, la notion de temps dans l’Univers est inexistante. Une seconde et mille ans c’est la même chose. Cela tu dois l’accepter et y croire une fois pour toutes, je dirais même définitivement ; c’est la condition, si tu veux parvenir à atteindre tout le savoir et toute la connaissance. Autrement, tu aboutiras dans une impasse, ce qui est impossible pour toi. Ce premier pas te permettra de penser autrement, et ça aussi, il va falloir que tu y parviennes. Personne ne peut le faire à ta place. Seulement je viens de te le dire : ne compte pas en heures, jours, semaines. D’aucun ne sait quand tu vas être le maître entier de ta vie. Que ce soit demain ou plus tard. Nous sommes tous dans la même situation, quelque soit son âge et le lieu où il se trouve. Donc, tu vas être le seul, l’unique à décider du moment d’utiliser l’immense pouvoir qui est en toi. Tu dois cela très fort et je dirais même intensément en toi, avec une puissante émotion.

Tu as des obligations en France, qui vont t’obliger à t’éloigner de moi ton père spirituel affectueux et de ces lieux merveilleux, l’île et la grande pagode que tu aimes tant. Continue ta quête de la vie. Fais ce qu’il te plaît. Persévère encore et encore, où que tu sois. Ne laisse aucune place en toi au doute, au manque de foi, ni à l’inquiétude de ce que tu veux, attends et souhaites. Tout te sera donné, n’oublie pas cela : tout !

      Dans ton immense bonté, tu nous as apporté des victuailles pour une demi-année, car nous avons nos règles bouddhistes. Nous les respectons par joie de notre vie. Néanmoins en ton honneur, ce soir, le bonze qui s’occupe de la nourriture, avec ma recommandation, a préparé trois mets d’origine ancestrale. Je sais que tu apprécieras beaucoup.

      Le soleil couchant est d’une beauté merveilleuse. Peut-être du fait que tu es parmi nous et que tu irradies de joie et de bonheur. Avant de nous restaurer, je te propose d’aller sur le rivage pour méditer. C’est ainsi que je fais chaque soir. Cela me permet d’entrer au plus profond de moi-même, de louanger, de bénir, de glorifier la présence qui est en moi. Ainsi que tu agis aussi.

      Si tu peux revenir avant ton départ, nous parlerons de cette « Présence intérieure », ― la tienne ―, que nous avons chacun en nous et  qui l’essence même de notre être. Elle t’aidera beaucoup sur ton chemin de vie. Si tu ne reviens pas avant plusieurs semaines ou même de nombreux mois, j’attendrais ta prochaine venue. Je saurais patienter. Quoiqu’il en soit mon enfant, n’oublie pas : toi seul est le maître de ta vie. Tu es son créateur puissant.

                                             GherFrance

 

          *************                  

    Fin du Premier chapitre

                                                                                  à suivre.......................................

 

                                          

 



11/02/2015
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